Aquaponie, Hydroponie, de quoi s'agit-il? Est-ce durable?

L’hydroponie et l’aquaponie rentrent toutes deux dans la grande catégorie de l’aquaculture, c’est à dire la culture dans l’eau, culture pouvant être aussi de l’élevage de poissons. 

Je me propose dans cet article de décrire en premier lieu ces systèmes, le plus objectivement possible 😉 

L'hydroponie

aquaponie

L’hydroponie est le système le plus simple, au sens de celui qui met en jeu le moins d’interactions, avec son milieu, tout comme au sein de ce système. En effet, les plantes sont cultivées hors sol, et sont nourries avec une solution nutritive artificielle, spécialement préparée pour le développement rapide et la productivité de la culture. C’est un système largement employé dans l’agriculture conventionnelle, notamment pour les tomates. On retrouve donc les principes réductionnistes: la monoculture, la recherche de la maitrise des paramètres de croissance et de productivité par des procédés technologiques, le recours à d’importantes ressources, dont un besoin de maintenance important. 

Ces systèmes génèrent donc très peu de relations positives dans leur forme la plus courante

  • ils ne supportent aucune biodiversité sauvage ou cultivée: les semences sont hyper sélectionnées et non reproductibles, la culture est sous serre où les autres formes de vie ne sont pas souhaitées
  • l’eau provient de sources contrôlées puis elle sort du système par les égouts, son cycle est très simplifié et linéaire.
  • le travail est mécanisé au maximum: les tâches encore effectuées par des humains concernent soit la mise en place et la supervision soit des opérations répétitives
  • le circuit de commercialisation associé est long: grossiste, intermédiaires, supermarchés, transformateurs…
  • les produits sont uniformes, les qualités recherchées sont avant tout la résistance au transport et la bonne conservation; le goût et les qualités nutritives sont faibles.

Par contre ils génèrent pas mal de rétroactions négatives, leur empreinte écologique est lourde:

  • usage massif du plastic pour les serres, les supports des cultures, les systèmes de distribution de la solution…
  • pollutions de l’eau
  • transport des produits
  • conditions de travail abrutissantes, impact social positif faible
  • délabrement de la diversité à tout les niveaux: environnementaux, sociaux, culturaux…

L'aquaponie, les principaux systèmes

L’aquaponie est un système plus complexe qui met en jeu à la base une complémentarité entre un élevage de poissons et la culture de plantes. Le principe est que ce sont les poissons qui produisent la solution nutritive des plantes, et les plantes participent à garder une eau de bonne qualité pour les poissons. L’aquaponie se décline en plusieurs formes, celles dont on parle le plus sont les formes les plus artificielles, mais il en existe d’autres, plus proches de systèmes naturels comme nous allons le voir. 

Systèmes sous abri avec bacs de petites tailles

Aquaponie urbaine Tunisie

Il s’agit du système “à la mode” où les poissons sont élevés dans un milieu très contrôlé car simplifié, la plupart du temps il s’agit de bacs en plastiques; et les plantes sont cultivées sur des plateaux qui flottent eux aussi dans des bacs en plastique ou dans des conduites en PVC (type gouttière). Le circuit de l’eau est en boucle, il y a peu de pertes et a priori peu de pollutions d’autres sources d’eau. L’abri peut être une serre, une pièce dans un logis…

Ces systèmes demeurent assez simples (en terme de jeu de relations) mais l’association poissons/plantes garantit des boucles positives, certains des 7 piliers de la soutenabilité sont mieux utilisés. 

Ces systèmes sont peu fréquents en conventionnel, plus largement auprès des jardiniers amateurs en quête d’autonomie alimentaire, car ils sont généralement mis en place à très petite échelle.

Systèmes avec piscine et cultures dans le sol

Aquaculture en zone aride

Ces systèmes concernent une application à plus grande échelle, puisque les bacs sont remplacés par des piscines (en plastique ou maçonnées, ou des mares bâchées) dont l’eau, fertilisée, sert à l’irrigation des cultures, en plein champs ou sous serre mais dans le sol. 

Le cycle de l’eau est donc étendu au paysage, l’eau ne circule pas en circuit fermé. C’est en changeant l’eau des piscines régulièrement qu’elle conserve les qualités nécessaires aux poissons. 

On conserve un côté assez artificiel de l’élevage des poissons, qui demandera un niveau assez important de maintenance. Quant aux plantes, c’est selon le choix de l’agriculteur qui peut soit suivre le modèle conventionnel avec des monocultures et autres traitement phytosanitaires soit des conduites plus naturelles, en polycultures et plantes sauvages, réduisant d’autant le besoin de travail.

Ces systèmes ont étés développés également dans les zones arides, car ils permettent de donner un usage supplémentaire à l’eau et de produire sur le site la fertilité pour les cultures. 

Systèmes avec plan d'eau naturel et cultures dans le sol

ramli aquaponie durable

Ces systèmes ont eux aussi une application potentiellement à plus grande échelle mais pas forcément. Le plan d’eau peut être naturel (un lac, une rivière, une lagune…) ou créé en s’approchant le plus possible d’un écosystème sauvage. 

Les cultures sont attenantes au plan d’eau ou aménagées sur des radeaux comme dans le cas des “Chinampas” (photo ci-dessous) d’Amérique Latine ou des “Ramli” à Ghar el Melh en Tunisie (photo ci-dessus). 

Chinampas, aquaponie durable

Il n’y a plus d’élevage de poissons à proprement parler, puisqu’ils constituent un des maillons de la faune du plan d’eau. Rien n’empêche d’introduire des espèces d’intérêt, si elles permettent un équilibre avec les autres maillons du système aquatique. La maintenance est très faible, voire nulle. 

Quant aux plantes, elles ont tout pour prospérer et être d’une qualité nutritive exceptionnelle puisqu’elles vont bénéficier des apports du sol et du système aquatique. Dans une forme en polyculture, les intrants sont très faibles. 

De part leur nature, ce mode d’agriculture ne peut être mécanisé lourdement. Il peut donc générer un impact social à de nombreux niveaux dont celui de l’emploi de personnes qui travailleront dans un cadre naturel, vivant, avec des tâches variés, et une utilité publique. 

Ces systèmes sont très complexes, ils mettent en œuvre un jeu de relations nombreuses et variés. Leur maintenance, une fois le système établi, est réduite, car ils reposent sur les  7 piliers de la soutenabilité.

Ce petit panorama n’est pas exhaustif, il y a d’autres variations qui s’inscrivent dans l’une ou l’autre des catégories.

Synthèse des systèmes

On peut les classer selon une échelle à double entrée: le premier critère concerne les interactions avec le milieu et le deuxième concerne l’usage de ressources/énergies. A une extrémité, on trouve les systèmes simplifiés, peu dynamiques avec le milieu, et nécessitant un surplus de ressources et de maintenance/d’attention, et à l’autre extrémité on trouve les systèmes les plus complexes, qui mettent en jeu de nombreuses relations variés et soutiennent beaucoup plus de vies. 

Vous l’aurez compris cette échelle reprend l’ordre dans lequel j’ai présenté ces systèmes. 

Analyse avec la permaculture

Où trouve-t-on dans la nature des systèmes simplifiés, peu dynamiques, et où trouve-t-on des systèmes complexes qui soutiennent beaucoup de vie? 

La Nature aussi a son échelle permettant de reconnaitre les limites d’un milieu. Allan Savory l’a appelé “l’échelle de la fragilité” (The brittleness scale). C’est à dire qu’il y a une corrélation directe entre la simplicité des systèmes et leur fragilité. Au contraire, les systèmes les plus complexes résiste mieux aux chocs et aux changements. 

C’est le climat, à la base, qui impose des limites à la complexification des écosystèmes. Là où les pluies sont plus rares, et les extrêmes plus amples, les cycles de l’eau et de la matière organique ne peuvent être optimum toute l’année, la création de biomasse est intermittente. Ce sont les milieux arides et désertiques (chaud ou froid). Ceci se traduit par des écosystèmes avec une diversité moindre, que ce soit en terme d’espèces ou de fonctions. C’est à dire que les plantes ou animaux sont plus polyvalents, et que donc, si une espèce disparait, c’est tout suite très grave pour le système. Il y a peu de MULTIPLICITE, peu de solutions de rechange. Et cela se traduit aussi par une productivité moindre, en terme de biomasse par unité de surface ou par quantité d’énergie solaire reçue. Ou en d’autres termes, ces systèmes consomment beaucoup d’énergie pour produire peu.

De l’autre côté de l’échelle, il y a les forêts tropicales. Avec des températures et des pluies homogènes toute l’année (ou presque), la Nature est abondante, luxuriante, les plantes poussent et produisent des fruits quasiment toute l’année. La faune et la flore sont hyper diversifiées, en nombre et en fonction. Ce qui veut dire que certains éléments de ces systèmes sont très spécialisés, comme certaines fleurs qui ne peuvent être pollinisées que par une seule espèce d’insecte. Ces fleurs et ces insectes sont eux, dans une position de fragilité car si l’un des deux disparait, il entraine l’autre avec lui. Mais l’écosystème, lui, est très résilient, car il y a beaucoup d’autres fleurs, beaucoup d’autres insectes. La productivité de ces forêts est maximale. Ou autrement dit, ces systèmes consomment peu d’énergie pour produire beaucoup.

 

Pour aller plus loin

Penser durabilité, c’est une logique qu’on apprend dans le cours de design en permaculture. Prendre conscience des schémas de fonctionnement de la Nature pour les utiliser à bon escient dans nos systèmes de production. Pour cela, le cours de design revient sur ces schémas et nous avons à L’ombre du palmier développé une pédagogie pour vous habituer à voir votre environnement avec cette logique. Vous serez ensuite capable de choisir le bon système d’aquaculture et le placer au bon endroit dans votre ferme, pour garantir à la fois la bonne productivité et la durabilité.

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